Un cadre de référence pour les approches plurielles

Les approches plurielles des langues et des cultures

Les Approches plurielles des langues et des cultures (Eveil aux langues, Didactique intégrée, Intercompréhension entre les langues parentes, Approches interculturelles) reposent sur des activités qui incluent plusieurs variétés linguistiques et culturelles. Elles développent de façon concrète la conception de la compétence plurilingue et pluriculturelle promue par le Cadre européen commun de référence pour les langues. Elles offrent des outils permettant de concevoir et d’articuler des interventions didactiques favorables au développement et à l’enrichissement continu de cette compétence par les apprenants. Dédié aux dimensions plurilingues et pluriculturelles des apprentissages, le CARAP complète les autres instruments du Conseil de l’Europe. 


Nous appelons « Approches plurielles des langues et des cultures » des approches didactiques qui mettent en œuvre des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la fois plusieurs (= plus d’une) variétés linguistiques et culturelles.

Nous les opposons aux approches que l’on pourrait appeler « singulières » dans lesquelles le seul objet d’attention pris en compte dans la démarche didactique est une langue ou une culture particulière, prise isolément. Ces approches singulières ont été tout particulièrement valorisées lorsque les méthodes structurales puis « communicatives » se sont développées et que toute traduction, tout recours à la langue première étaient bannis de l’enseignement.

L'évolution de la didactique des langues au cours des trente dernières années a vu l'apparition de quatre approches plurielles :

L’éveil aux langues

Selon la définition qui a été donnée de l’éveil aux langues dans le cadre des projets européens qui ont permis de le développer plus largement, « il y a éveil aux langues lorsqu’une part des activités porte sur des langues que l’école n’a pas l’ambition d’enseigner ». Cela ne signifie pas que la démarche porte uniquement sur ces langues. Elle inclut également la / les langue(s) de l’école et toute langue autre en cours d’apprentissage. Mais elle ne se limite pas à ces langues «apprises». Elle intègre toutes sortes d’autres variétés linguistiques, de la famille, de l’environnement … et du monde, sans en exclure aucune. Par le nombre important de langues sur lesquelles les élèves sont amenés à travailler – plusieurs dizaines, le plus souvent – l’éveil aux langues peut apparaitre comme une approche plurielle « extrême ». Conçu principalement comme accueil des élèves dans la diversité des langues (et de leurs langues!) dès le début de la scolarité, comme vecteur d’une meilleure reconnaissance dans le contexte scolaire des langues «apportées» par les élèves allophones, comme une sorte de propédeutique développée à l’école primaire, il peut également être promu comme accompagnement des apprentissages linguistiques tout le long de la scolarité.

Il convient de signaler encore que l’éveil aux langues, tel qu’il a été développé depuis la fin des années quatre-vingt-dix dans les programmes Evlang et Jaling, se rattache explicitement au mouvement Language Awareness initié par E. Hawkins au Royaume-Uni pendant les années 1980. Cependant, on considère que l’éveil aux langues constitue plutôt, aujourd’hui, un sous-ensemble de la perspective Language awareness, qui donne lieu également à des travaux à orientation plus psycholinguistique que pédagogique, qui ne portent pas nécessairement sur la confrontation de l’apprenant à plusieurs langues. C’est pourquoi les promoteurs des programmes d’éveil aux langues ont préféré choisir un autre terme anglais pour désigner cette approche: Awakening to languages.
  

L'éveil aux langues aujourd'hui - un Powerpoint de Michel Candelier and Ildikó Lörincz (6ème Congrès EDiLiC, Györ, Juillet 2016) - La version française est dans les commentaires situés sous les images en mode "normal".

L'intercompréhension entre les langues parentes

L’intercompréhension entre les langues parentes propose un travail parallèle sur deux ou plusieurs langues d’une même famille (langues romanes, germaniques, slaves, etc.), qu’il s’agisse de la famille à laquelle appartient la langue maternelle de l’apprenant (ou la langue de l’école) ou de la famille d’une langue dont il a effectué l’apprentissage. On tire parti des atouts les plus tangibles de l’appartenance à une même famille – ceux relatifs à la compréhension – qu’on cherche à cultiver systématiquement. Les bénéfices visés concernent principalement la capacité de compréhension, mais des effets positifs peuvent s’ensuivre pour l’expression.

Depuis la seconde moitié des années 1990, on voit se développer des innovations de ce type pour des apprenants adultes (y compris étudiants universitaires), en France et dans d’autres pays de langue latine, mais aussi en Allemagne, dans les pays scandinaves ou slavophones.

Beaucoup ont été soutenus au niveau européen (programmes de l’Union européenne). On retrouve de telles démarches dans certains matériaux d’éveil aux langues, mais les publics scolaires sont encore peu concernés par l’inter­compréhension.

L'approche interculturelle

L’approche interculturelle a eu une influence certaine sur la didactique des langues et semble de ce fait assez bien connue.

Elle connait de nombreuses variantes qui ont en commun de reposer sur des principes didactiques préconisant l’appui sur des phénomènes relevant d'une ou plusieurs aire(s) culturelle(s) (conçues comme hybrides, perméables et dynamiques) pour en comprendre d’autres relevant d'une ou plusieurs autres aire(s) culturelle(s).

Ces principes prônent également la mise en œuvre de stratégies destinées à favoriser la réflexion sur les modalités du contact entre individus disposant d’arrière-plans culturels différents.

La didactique intégrée des langues

La didactique intégrée des langues vise à aider l’apprenant à établir des liens entre un nombre limité de langues, celles dont on recherche l’apprentissage dans un cursus scolaire, selon l’idée centrale pour les approches plurielles d’un appui sur le connu pour aborder le moins connu : la langue de scolarisation pour aborder la première langue étrangère, cette dernière pour entrer dans la seconde langue étrangère, etc., sans oublier les effets en retour de telles synergies. Sans oublier non plus, surtout lorsqu'elles font l'objet d'un enseignement, les langues d'origine des élèves. On a donc deux langues (voire trois ou quatre) qui sont "travaillées" en même temps. 

C’est dans cette direction que militaient déjà les travaux de E. Roulet au tout début des années 1980. C’est aussi dans cette perspective que s’inscrivent aujourd’hui de nombreux travaux portant sur l’allemand après l’anglais en tant que langues étrangères (cf. les travaux portant sur les langues tertiaires). D’autres s’interrogent sur l’articulation de la langue de scolarisation et des langues enseignés dans une perspective intégrée. En relèvent également  certaines modalités d’éducation bilingue, dans lesquelles les enseignants ont le souci d’attirer l’attention des apprenants sur les ressemblances et différences entre les langues dans lesquelles s’effectuent les apprentissages, quelle que soit la matière étudiée.